Bernard Fabvre
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Le Voyage en forme des objets


On ne peut plus se passer des objets, des "choses" comme disait Georges Pérec. On en subit la présence continuelle, ils ont remplacés les bêtes de somme pour se coltiner nos exigences. Nous les réduisons à leur fonction pratique ou utile. Autant dire que nous leur conférons un poids, une pesanteur qui les pétrifie, un statut social qui les aliène, tandis que leur prolifération les noie dans le plus parfait anonymat.
C'est à une autre conception de l'objet que la pratique de Bernard Fabvre recourt. Au fond l'objet l'intéresse moins pour son existence que pour son essence à savoir qu'il en retient avant tout la forme, la force qui la caractérise, la densité dont elle est chargée. Depuis bientôt 20 ans, près s'être adonné avec sa complice Elisabeth Krotoff à la confection de millers de fétiches vendus au tout venant, B.Fabvre s'est inventé, pour rependre la formule de Montaigne, "un dictionnaire tout à part soi", fait de formes et marériaux élus, souvent fragmentaires, comme abstaits de leur mission fonctionnelle, pesante, aliénante, pour accéder à un autre statut. C'est en vivant avec eux, en prenant son temps pour s'entretenir avec eux, à l'heure où le rythme effréné garantit la réussite (mais à quel prix !), en les apprivoisant enfin (à moins que ce ne soit l'objet qui apprivoise l'artiste), que finit par apparaître l'évidence: leur association inattendue à tel autre, leur enrichissement ici, leur présentation inédite là. Du coup l'objet accède à une autre vie, une vie essentielle et pertinente parce qu'elle privilégie la charge émotionnelle contenue dans le jeu subtil des formes entre elles, que l'on nomme composition. Car il n'est point inanimé acquiert dès lors une "âme". Une âme qui prends forme. Car il n'est point d'art sans ordre, sans négation du chaos. Même si le mot est galvaudé l'objet inanimé acquiert dès lors une "âme".
Son paradis, un paradis d'avant le chaos, la confusion des langues et les diverses chutes. La spirale babélienne hante d'ailleurs la production de ce plasticien. Des vis sans fin tournées vers l'espace, la voie lactée...

BTN