Diego Tampanelli
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"Etat de fugue"

Il y a quelques mois, une amie m'a demandé les négatifs des photos que j'avais prises de sa fille il y a 14 ans.
Je n'ai pas répondu à son e-mail.

J'ai travaillé pendant quelques temps comme photographe dans mon village. Ce fut un moment de ma vie assez amusant et, même si à cette époque je n'en étais pas conscient, cela allait avoir une influence sur mon travail artistique.
J'étais un photographe maladroit et irresponsable, avec certains airs "créatifs" et des prix très bas.
Je travaillais chez mes parents, et pour cela ma mère se voyait obligée de collaborer et plus d'une fois elle m'a aidé à palier mon manque de responsabilités et à justifier mes erreurs.
Au fil des années, j'ai accumulé des centaines de photos et de négatifs. Enfants grassouillets recevant le baptême ou la première communion, mariages à l'autel de l'église San Carlos, sur la place du village, familles heureuses célébrant un anniversaire, amis saouls. Mais il y en avait qui me séduisaient plus que d'autres. Celles des fêtes d'anniversaire pour les 15 ans, du style "Bal des Débutantes". Ces photos aujourd'hui feraient parties, sans aucun doute, d'une collection au musée des horreurs.

A chaque fois que je sentais la pulsion de "changer de vie" je prenais tous ces négatifs, les rangeais et les sélectionnais pour en jeter la majorité à la poubelle. Je les mettais dans des sacs en plastique que je laissais chez mes parents avec comme consigne de s'en débarrasser.

Quelque temps après, en cherchant des vêtements dans une armoire, ou tout simplement en ouvrant un tiroir, de nouveau apparaissaient ces mêmes négatifs et ces mêmes photos.

Evidemment, ma mère, comme moi, n'avait pas le courage de s'en débarrasser.

Diego Tampanelli.